Malmenée par David H. puis apaisée.
Combien de temps avons nous poireauté sous la pluie sur le parvis de Beaubourg, devant la garde-robe, sur la coursive ? Je ne sais pas mais mes jambes le savaient. Mon estomac commençait à grogner, surtout que pour tromper l'attente nous parlions de restaurants... Ma bouche était sèche. Nous étions loin d'être seules à nous engouffrer dans ces vastes pièces d'exposition à la mesure des toiles gigantesques d'Hockney. La visibilité des peintures étaient réduite malgré leur taille impressionnante. C'était la fin de la journée et tout le monde semblait las. Les corps étaient voûtés, les regards lointains et défraîchis. Il parait qu'il y avait un visiteur qui puait la pisse et la transpiration. Peut-être y avait-il un peu plus de place autour de lui, les gens s'écartant pour éviter la puanteur. Ce pouvait être une chance pour lui. Je ne l'ai pas approché. Par contre, j'ai vu un vieillard que sa fille (peut-être) venait déplacer de pièce et pièce et poser sur le banc central, dès qu'il y avait de la place. Son pull de laine moutarde était bouloché. Son cou n'avait plus la force de soutenir sa tête alors elle se posait presque sur l'épaule gauche. Il bavait un peu. Il prenait des photos désaxées avec son smartphone même si c'était interdit...
J'ai pris toute la mesure des talents de coloriste et de dessinateur de David H.
La Californie - Les années 1960. Les décors sont luxueux et vides. La lumière crue oblitère l'ombre. Il n'y a que du premier plan. L'eau domestiquée est bleu piscine. Les plantes taillées sont vert jardin. Les pierres sont beige construction. Les corps nus sont rose saucisse fraîche. L'espace est frontal. Malgré les apparences, ce n'est pas un monde de plaisir et de bien-être même s'il peint le soleil, le crawl et le carrelage bleu ciel. Il n'y a que le décor : l'homme a plongé dans l'eau artificielle.
La série célébrissime des doubles portraits est faite de ce sublime qui mène au désespoir. La richesse n'est d'aucun secours à la solitude humaine et à l'impossibilité principielle de compréhension mutuelle. L'espace dans lequel est posé les personnages est très organisé. Rien ne dépasse et ils ont l'air de bien s'emmerder.
Pour s'aérer la tête et quitter le corps, au 21ème siècle, David H. s'attaque au paysage domestiqué par l'homme. Les couleurs sont somptueuses, il s'autorise le geste et s'émancipe de sa joliesse. Il est comme pris de frénésie mais ses arbres restent bien alignés et ses champs taillés au cordeau. Ça prend un peu la tête mais tant pis, c'est beau.
2017 - Les dernières oeuvres.
Triptyque des choses sérieuses
Annonciation 2
Fra Angélico - Annonciation
Birth and Copulation and Death. That's all the facts when you cam to brass tacks.
Il s'agit de toiles dans un format étrange : les 2 coins inférieurs sont tronqués. L'avant dernière toile est une "reprise" d'une Annonciation de Fra Angelico. En la voyant,mon sang n'a fait qu'un tour. L'Annonciation originelle est au Couvent San Marco à Florence. Elle fait partie de mon Musée Imaginaire. C'était une matinée où j'étais seule. En haut de la montée des marches, cette image est entrée dans ma vie. La fresque délicate et poudrée palpitait dans la lumière, incarnant une pureté première. L'événement christique dans toute sa dimension, lorsque le Verbe se fait Chair. Une merveille de sensibilité propice à la contemplation.
David H. nous en donne une version californienne, justifiée par ses recherches sur la perspective inversée. Une horreur...
Magnanime, je lui accorde un pardon sans réserve : ce ne sont que des toiles peintes reflétant une époque, que l'on aura peut-être oubliées dans 100 ans. A 80 ans, il a bien le droit de faire son intéressant. C'est quand même un des rôles de l'artiste de faire le show !
Il m'est venue une musique en tête :
Toutes les photos sont prises sur Google.