Un jour blanc.

10 novembre 2016

Dès mon réveil, je me rendais compte que mon territoire était coupé en deux. A l'Est, la terrasse était pleine d'une douceur mièvre et haute. Sirupeuse, elle prenait la tête. A l'entrée Ouest, un air vif, bleu glacier saisissait les imprudents. Une marelle en 4 pas de couloir pour aller du printemps à l'hiver. Quel sort a été jeté sur mon petit royaume ? En allant plus avant dans la journée, je me rendrais compte que cette météo maléfique saupoudrait le peuple d'une exaltation interrompue de langueur. Ça ne tournait pas rond...

Pour preuve, au petit-déjeuner, Donald Trump a été invité, ainsi que Mr Smith au sénat. Un film de Franck Capra de 1939. Un sénateur seul contre tous qui défend sa cause (perdue) face à un homme d'affaires sans scrupules qui donne des ordres à des politiques corrompus qui les exécutent. Il parle seul pendant 24 heures sans discontinuer devant les autres sénateurs. Tiens, moi aussi je n'arrête pas de parler... Et je réalise que l'on a franchi un pas non négligeable : c'est que maintenant l'homme d'affaires sans scrupules n'a plus la pudeur d'avoir des intermédiaires pour oeuvrer. C'est direct. Il représente une bonne moitié des Américains. In God we trust.

Du temps a filé.

Me voilà chez le boucher. Il n'y a personne. Cela va aller vite. Sauf, que je veux 2 cuisses de canard et qu'il n'y en a pas.

- "Je vais vous les découper sur une canette entière."

- "Cela me convient. Je veux aussi la carcasse."

- "Je vous l'offre si vous me donnez la recette de votre bouillon."

- "Faire mijoter une carotte, un poireau, des oignons, de l'ail, un bouquet garni, et la carcasse pendant une heure. Filtrer.

Verser bouillant sur des pâtes de riz, des champignons crus coupés très fin, de la coriandre ou du persil. Rajoutez du miso et de la sauce soja.

Ça c'est pour la version asiat. Sinon, faire cuire dans ce bouillon, tout ce que vous voulez (enfin des légumes)."

Et bla bla bla et patati et patata - du temps a encore filé.

Je me retourne pour aller aux légumes et je vois Marie.

Marie, ça doit faire 3 ans que je ne l'ai pas vue. Alors on se met à jour.

C'est fou comme les enfants vieillissent à notre insu, les femmes quittent leur mari et les vieux tournent mal, très mal... Mais, il n'y a pas que ça, il y a aussi la broderie, Annik de Souzenelle. Tiens, c'est elle qui dit : "Quand on rencontre quelqu'un que l'on a perdu de vue depuis longtemps, il faut se demander pourquoi." Ben, juste pour le plaisir de laisser encore du temps s'échapper du planning imaginaire pour qu'il devienne farfelu. A partir de là, ça devient du grand n'importe quoi.

Le déjeuner improvisé à la 6/4/2 devient presqu'un goûter. Alter trouve cela incongru. Il est désemparé.

Et ce n'est pas fini : je me lève de table avant la fin, j'ai un rendez-vous téléphonique avec petite fifille... Elle a des choses à m'apprendre. De banale, la conversation devient un laboratoire de recherches où les cobayes sont dépecés, les expérimentations mesurées, les résultats disséqués pour en arriver à la conclusion que le plus important est de ne jamais rien retrancher à Je.

Des pans entiers de temps s'abattent.

Il me faut apporter des croquettes à 5 chats affamés dont la maîtresse a des mots à dire sur sa souffrance et sur le fait, que même si elle est persuadée que c'est bien Là-Haut (enfin, je ne suis pas vraiment sûre qu'elle en soit certaine), elle bandera toutes les forces qui lui restent pour rester en Bas. J'écoute juste mais je doute qu'elle soit dans le réel... enfin, je ne suis pas à sa place.

Le temps n'est plus qu'un point à l'horizon et je dois encore appeler ma cousine Chantal.

Elle est mon agent infiltré dans mes services secrets généalogiques. J'ai une mission à lui confier sur Tonton André dont je viens de retrouver la tombe et lequel m'intéresse au plus au point. C'est grâce à lui que mon second prénom est Andrée. Cimer André... Je suis sur la trace de quelques brimborions le concernant. Tiens, si je décide de changer de nom de blog, un jour, ce sera BRIMBORIONS. Peut-être...

Je n'ai pas eu le temps d'appeler ma cousine Betty. Le temps s'est réduit comme peau de chagrin. Il a totalement disparu.