L'illumination, c'est pour quand ?
Je sais pas vous mais moi, j'ai parfois l'impression d'être un bureau de renseignements. Lorsque l'on s'adresse à moi, c'est souvent pour me poser une question. Pour savoir comment je vais (99 % des fois c'est juste une question polie).
Digression : la question : "Comment allez vous ?" était une question posée par le médecin pour savoir comment son patient allait à la selle. Question primordiale qui est passée du cabinet (?) médical à la rue et au quotidien. C'est dire l'importance de la chose.
Moi, je déclenche la question. Ce doit être un langage corporel subliminal. Faut dire que j'ai les yeux ouverts et le regard direct. C'est la pratique du yoga (qui sert aussi pour rester calme !).
- où je peux trouver ... ? (celle-là se décline à l'infini)
- comment je peux faire ça ? (ben, regarde sur Internet - vive le progrès !)
- est ce que je peux... ? ( vas-y fonce. Enfin surtout si t'es majeur et vacciné...).
J'ai la sensation d'être programmée pour répondre - je démarre au quart de tour. C'est là mon erreur fatale. Car l'intelligence c'est : laisser l'autre sortir les marrons du feu et surtout ne poser aucune question et ne se poser aucune question.
Etant enfant, mon mot favori était justement : "Pourquoi." Ma mère me surnommait gentiment la pintade ! Bien sûr, j'ai gardé l'habitude de questionner le monde. Mais maintenant que je suis grande, toutes mes questions, je me les pose dans la tête. Silencieusement. J'embête pas mon voisin. Enfin, j'essaie...
Il y a quelques jours, The Question :
Quand est ce que je vais être illuminée ?
Rideau. Les syndicats d'initiatives, les bureaux de tous les renseignements, les distributeurs de tac au tac and so on, se déclarent forfaits. C'est définitif et sans espoir aucun...
Sauf que la question s'insinue dans les strates les plus subtiles des circonvolutions cérébrales et un souvenir a refait surface.
Il y a longtemps, je suis allée à une conférence. Pas n'importe laquelle. Tous mes copains avec qui je méditais étaient tout excités. C'est dire ! Un monsieur corse venait à Nice pour raconter son illumination. Car lui il était illuminé... A ne pas rater...
J'ai vu arriver sur l'estrade un monsieur bien insignifiant. Pas d'auréole, pas de diode ni de clignotant. Déception. Il a parlé longtemps. Sans note, sans micro. Il a bien précisé qu'il était passé de l'autre côté du réel simplement en répétant le Cogito ergo sum de Descartes. Il semblait comme vous et moi. Rien à quoi se raccrocher, pas de merveilleux.
Une question dans l'assistance : "Qu'est ce qui a changé dans votre vie maintenant que vous êtes illuminé ?"
Réponse : "Maintenant, je nettoie bien partout, dans tous les coins, je gratte la crasse dans les moindres recoins."
Cela m'avait marqué car à l'époque j'étais une jeune mère débordée alors le ménage, je survolais dans l'urgence. Je n'arrivais jamais aux recoins !!!
Donc, voilà on est illuminé quand on nettoie bien partout dans tous les coins. Comment on y arrive ? En se munissant de paille de fer, de savon de Marseille, d'huile de coude et on frotte.
Jean-Pierre Marielle dans le film Le petit Poucet de Michel Boisrond.