Sa Majesté Gégé.

2 décembre 2015

Un vizir sans vêtement d'apparat, un sumo calme après le combat. Le corps lesté, engraissé pour que la parole se cale. Un chou. Des mots tout en tendresse, de petits rires de vierge effarouchée. Des dents de cheval. Une jambe repliée - de temps en temps les mains papillonnent. Le fauteuil blanc est une coquille, ses pieds sont bien fluets. Gégé ne peut pas ruer dans les brancards. Le fauteuil enserre fermement ses bourrelets. Juste.

"Dourakine - Dourak qui veut dire abruti" - quelques mots de russe. Une évocation. La Comtesse. Un frétillement. Gégé, tu me rends toute chose. Oui, les livres s'entassent, se triturent, sortent des rayonnages. Sont des issues de secours. Vont au-delà du temps et de l'espace. C'est moi, là avec "Les malheurs de Sophie". J'ai 6 ans. Les lignes tissent une bulle de joie ; mettent à distance la désespérance des adultes. Le bruit et le désordre n'existent plus. Un monde vaste et clair s'expanse. Je respire. Sophie est vivante : elle arrache les ailes des mouches, scalpe sa poupée, salit ses robes...

Puis, Gégé raconte sa copine Duras. Marguerite. Avec laquelle, il fait du corps à corps pour un casting tout particulier. "Géniale, suis-je géniale ?" Il la rassure - oui bien sûr.

Gégé frime. Donne les dates de Saint Augustin. Pas de bol. Il me semble qu'il se trompe de 2 siècles. Mais c'est beau pour ce fils de tôlier analphabète. Dédé, celui qui déplie une tôle sans écailler la peinture. Gégé reste à jamais émerveillé par cette prouesse.

C'était une balade royale grâce à François Busnel - La Grande Librairie - jeudi dernier - la 5.

Chez moi, les livres en liberté.